Alain Montcouquiol

Né le 4 septembre 1945 à Ambert (Puy-de-Dôme), Alain Montcouquiol se retrouve à l’âge de neuf ans à Nîmes, par le hasard des mutations d’un père militaire, qui mourra accidentellement quelques mois après son arrivée dans le Gard. C’est auprès de ses camarades d’école, dans cette ville fortement marquée par la culture du taureau, qu’Alain découvre la corrida. Adolescent, à une époque où même l’aficion française considère que « si on n’a pas de sang espagnol dans les veines, on ne peut pas devenir torero », il décide de consacrer sa vie à cette aventure. Il part en Espagne avec un de ses compagnons de l’époque, Simon Casas, et choisit son nom de torero : El Nimeño. Commence alors un long et difficile apprentissage, suivi, des deux côtés des Pyrénées, par dix années de novilladas et de festivals, de triomphes et de désillusions. En 1968, il est, avec Simon Casas, lauréat de la Fondation de la vocation et l’un des principaux acteurs du mouvement des toreros français.
Au moment où Alain prend conscience qu’il n’ira pas plus loin dans la carrière, il assiste à la naissance d’un autre Nimeño, le second, son frère Christian, qu’il décide de conseiller et d’accompagner. Il en sera ainsi jusqu’au bout. Jusqu’au 10 septembre 1989 où, lors de la Féria des prémices du riz, à Arles, un taureau de Miura provoque une grave chute de Nimeño II sur les vertèbres cervicales, et une paralysie dont il ne guérira jamais totalement. Jusqu’au 25 novembre 1991, où Christian Montcouquiol, qui ne supporte pas l’idée de ne plus toréer, choisit de se donner la mort dans sa maison de Caveirac, dans le Gard.

Livres traduits dans d’autres langues

Cúbrelo de luces, traduit en espagnol par Wenceslao Carlos Lozano, Zoela ediciones, Granada.

Prix Feria, 2014

Prix Livre & Aficíon, 2013 (Le Fumeur de souvenirs)

Prix Jean-Carrière, 2009 (Le Sens de la marche)

Blog La Marche aux pages, 28 août 2012, par Frédéric Fiolof
Alain Montcouquiol : l’arène et son ombre

 

Toros, 17 novembre 2008, par Pierre Dupuy
Histoire d’une photo ou les débuts de « Nimeño I »

Alain Montcouquiol « El Nimeño » ou « Nimeño I » (après l’éclosion de Christian) débuta avec picadors à Saragosse le 7 mai 1967 (ovation et vuelta) ; ayant laissé une excellente impression, il fut répété le 14, mais ne put renouveler son succès. Sa troisième novillada piquée se situa à Nîmes, le 9 juillet suivant, et ce fut une rude épreuve. Paquito titra son compte rendu : « Impossible ! » Le mistral soufflait en effet et le directeur de Toros relevait la « série de sottises » qui avaient présidé à la présentation chez nous, en novillada piquée, du torero nîmois – il était, certes, né à Ambert (Puy-de-Dôme) en 1945, mais vivait à Nîmes. Voici les « sottises » relevées par Paquito :

« 1. Le garçon (21 ans) vit en Espagne dans des conditions économiques des plus précaires. Il en porte sa part de responsabilité, mais aussi son apoderado qui, faute de contrats, aurait dû l’astreindre à exercer un métier lui assurant une nourriture convenable.

« 2. Alain se trouvait à Nîmes voici trois semaines. Son apoderado le fit revenir en Espagne. Pourquoi, puisqu’il n’a pas toréé, le rapatrier à Nîmes seulement la veille au soir de la novillada ? Dans les conditions physiques où se trouvait le « Nimeño », le voyage ne fit qu’accentuer son délabrement.

« 3. Il n’eût pas dû, la veille de la novillada, participer à un banquet, organisé à son honneur par des amis certes bien intentionnés, mais point au fait des choses, ni se coucher à minuit…

« 4. Enfin, pour une présentation en France, on choisit un lot de novillos plus à même de faciliter le succès de qui n’est, après tout, qu’un débutant (deux novilladas piquées, une tienta, cette saison !) »

Il y eut donc les rafales du vent et les difficultés de novillos de Pinto Barreiros qui ne justifièrent pas leur réputation ; Paquito écrivit « demi-caste », « mansos », « moruchos »… Et sur la prestation du Nîmois : « Quant à Alain Montcouquiol, il ne se dégonfla jamais devant les coups de tête du troisième. Son jeu de bras un peu sec montra son manque d’entraînement. Mais le garçon paraît avoir de bons principes et une allure torera. Sa malchance à la mort (sa première moitié d’estocade, perpendiculaire, un peu en avant, aurait dû suffire) fit qu’il fut bousculé à la troisième entrée (il avait déjà été l’objet d’une voltige, sur une saute de vent qui le mit à découvert) et que le coup reçu à la gorge lui coupa la respiration. Le choc, la crise nerveuse qui s’empara de lui, le privèrent des dernières forces mobilisées dans la bataille et il dut être évacué à l’infirmerie, où le médecin lui ordonna le repos complet sur quatre jours. Roca acheva, non sans difficultés, le portugais. »

Alain ne reprit l’épée que le 18 août 1968 à Vichy face à des camarguais « qui tenaient davantage du cocardier que du fauve de lidia » (les Tardieu n’étaient pas alors ce qu’ils sont maintenant) ; « El Nimeño » coupa l’oreille du cinquième.

Le 15 septembre, il était engagé pour la novillada de la Saint-Ferréol à Céret. Albert Crégut me demanda de l’y conduire. Grand aficionado nîmois, ancien président de l’Union Taurine et fondateur de la Peña Ordóñez, entrepreneur de travaux routiers, il était le père de l’un de mes meilleurs amis. Nous fîmes donc l’aller-retour de Céret (il n’y avait pas d’autoroute !) pour voir « Nimeño ». Dans son compte rendu de la novillada, D. A. Vargas, la correspondante de Toros et grande supportrice des toreros français, traita les novillos de Leonardo Arroyo de mansos dignes des banderilles noires. Quant au Nîmois : « Alain Montcouquiol « El Nimeño » a été le meilleur capeador du jour. S’il avait la possibilité de s’entraîner, de toréer plus souvent, il pourrait « huiler » ce style qui pèche par des maladresses, mais qui lui est bien personnel. Point noir : deux estocades affreuses. À son avantage, les seules naturelles de la journée au 2 et aussi un combat de macho intelligent, discret et valable, devant le « gros os » qu’était le 5 (pour cette fois le quinto était malo !) dangereux et intact (les piqueros multiplièrent les ratés à quasiment tous les novillos). »

La temporada française se termina à Lunel, le 27 octobre, et bien entendu l’afición nîmoise y était. Roland Durand et Gérald Pellen lidièrent un Roubaud et un Pourquier, et quatre Ricard étaient opposés à la pareja « El Nimeño » – Simon Casas. Le début de la reseña de Paquito fut presque lyrique :

« Par un beau temps (ô merveilleux octobre !) et devant une entrée satisfaisante (les absents – les incompréhensibles absents – eurent tort), cette novillada a dépassé nos espérances. Nous avions déjà noté chez Alain Montcouquiol des détails toreros, mais aujourd’hui le « Nimeño » a fait preuve d’une autorité, d’un sens de la place, d’une intelligence de la lidia, d’une technique et d’un style étonnants. Nous n’aimons pas prophétiser, mais Alain nous a laissé le sentiment d’avoir tout ce qu’il faut pour être un grand torero. Tout… sauf l’entraînement. Tout… sauf la nationalité. Ce serait bien dommage que nos amis ibères n’offrent pas à notre compatriote les possibilités de s’exprimer complètement. Quant à nos empresas, leur devoir est tout tracé… non exclusif de leur intérêt.

« El Nimeño » s’ouvrit de cape dans des véroniques, de ce style qui rappelle celui de « Manolete », mit en suerte par des delantales et une larga d’une pureté qui soulevèrent l’ovation avant de dessiner un quite par tapatías. Sa faena, brindée à M. Albert Crégut, fut presque parfaite ; en tout cas, à part une ou deux hésitations, l’animal fut conduit de main de maître, avec douceur, fermeté, temple, arrêté par des terminaisons originales. Une estocade s’engageant à fond, restant trop longtemps sur la tête et payée d’une cogida, acheva ce bicho léger, bien armé, noble, allègre, encasté, dont la légère faiblesse de pattes ne se nota plus en cours de faena, le torero le laissant récupérer, le conduisant sans brusquerie. Le Ricard avait pris deux piques, avec bravoure. »

La raison du présent article se trouve dans la photo que Christian Mouraret a faite du brindis de « Nimeño » à Albert Crégut […]. Elle nous restitue les anciennes arènes de Lunel, sans doute vétustes et incommodes pour beaucoup de spectateurs, mais pleines de souvenirs de notre jeunesse (on reconnaît quelques « figures locales » dont, en haut à droite, un célèbre libraire nîmois, et à gauche, debout, notre collaborateur Jean Lichaire). Au dos de la photo qu’Alain envoya à Albert Crégut, il a écrit : « Cher Monsieur, c’est la seule photo du brindis que j’ai trouvée. J’ai été désolé de ne pas vous retrouver à la sortie. J’aurais voulu vous dire que, si j’ai accepté votre cadeau, c’est parce qu’il m’a permis de régler certains problèmes, mais que je n’attache vraiment d’importance qu’au fait de vous avoir brindé la faena qui m’a réconcilié avec l’afición de ma ville. Et cela, Monsieur, a une importance que vous ne soupçonnez pas, car, depuis le 9 juillet 1967, j’attendais cet instant. C’est à vous que j’ai brindé ce taureau, car je n’oublierai pas que vous êtes venu me voir à Céret, et que, malgré le bétail dur et mon manque d’entraînement, vous m’avez encouragé. Je vous remercie de votre afición et j’espère que, lors d’une prochaine novillada, nous nous reverrons. Très respectueusement vôtre. Montcouquiol. »

 

Radio et télévision

« Sud », par Michel Cardoze, Monte-Carlo TMC, 18 mai 1997.
« Tout arrive », France Culture, 3 juin 2003.