Giuseppe Bonaviri

Giuseppe Bonaviri est né en 1924 à Mineo, dans la partie orientale de la Sicile. Fils d’un tailleur, il étudiera la médecine à Catane, soutiendra sa thèse en 1949 et exercera longtemps la cardiologie à Frosinone, au sud de Rome. Il appartient à la même génération que deux autres grands auteurs siciliens, Sciascia et Bufalino. Dès l’âge de neuf ans, il écrit des récits, des contes et des nouvelles déjà hantés par la mort et par le cosmos.

En 1954, son premier livre, Le Tailleur de la Grand-Rue (Il sarto della stradalunga), paraît dans la célèbre collection I Gettoni que Vittorini dirige aux éditions Einaudi. Le Murmure des oliviers (La contrada degli ulivi) prend place dans cette première phase de l’œuvre, où la dimension onirique et fabuleuse cohabite encore avec certains canons du néoréalisme. Ce n’est qu’à partir de Martedina, écrit en 1960 mais qui paraîtra seulement en 1976, que Bonaviri donne libre cours à son imagination, mêlant science-fiction et conte philosophique, tradition orale et anticipation.

La poésie est inséparable de la prose chez cet inventeur incessant : Le Dire céleste (Il dire celeste), Quark, L’Asprura, et surtout O corpo sospiroso, témoignent ainsi d’une recherche linguistique protéiforme et souvent fantasque.

Des nuits sur les hauteurs (Notti sull’altura), en 1971, transforme la tentation de la cosmogonie en enquête biologique, sur les traces du père disparu, tandis que L’Île amoureuse (L’isola amorosa) et La Beffària (traduction possible : La Farcerie) introduisent dans l’imaginaire onirique un ton de satire.

Les multiples influences dont est porteur Bonaviri (l’oralité, le conte des Lumières, la satire anglaise, le récit de science-fiction, le roman fantastique…) se mêlent de façon créatrice et imprévisible. Les Contes sarrasins (Novelle saracene) revendiquent, pour leur part, les racines arabes d’un tel imaginaire.

Portant au plus loin sa rêverie para-scientifique, Bonaviri a proposé, avec La Dormeveille (Il dormiveglia), une exploration des territoires compris entre veille et sommeil, promenant son lecteur entre la Sicile, New York et la lune, mais la cellule familiale, jalousement parcourue et défendue, reste pour lui l’inspiratrice majeure : Ghigò, premier mot prononcé par son petit-fils, est aussi le titre d’un de ses récits les plus surprenants ; quant à Silvinia, ou le Voyage des égarés, s’y réconcilient à nouveau, comme au début du parcours, le réalisme apparent et l’invention foisonnante, en marge d’un siècle où la science n’a pas su préserver le rêve.

À l’écart de tout groupe littéraire, et même de tout milieu constitué, Giuseppe Bonaviri, auteur prolifique dont chaque livre semble être un des éclats d’une inépuisable invention, s’impose aujourd’hui comme un des narrateurs les plus indiscutables et les plus libres d’Italie.

Chez d’autres éditeurs

Des nuits sur les hauteurs (Notti sull’altura), roman, trad. Jacqueline Bloncourt-Herselin, Denoël, 1973

La Divine Forêt (La divina foresta), roman, trad. Uccio Esposito Torrigiani, Denoël, 1975

Le Fleuve de pierre (Il fiume di pietra), roman, trad. Uccio Esposito Torrigiani, Denoël, 1976

Le Tailleur de la Grand-Rue (Il sarto della stradalunga), roman, trad. Uccio Esposito Torrigiani, Denoël, 1978 ; Gallimard, 1989

Le Poids du temps (L’enorme tempo), récit-journal, trad. Gabrielle Cabrini, Denoël, 1980

Le Dire céleste (Il dire celeste), prose et poèmes, précédé de Martedina (Martedina), récit, trad. Jacqueline Bloncourt-Herselin, Denoël, 1982

Contes sarrasins (Novelle saracene), trad. Jacqueline Bloncourt-Herselin, Denoël, 1985

Dolcissimo (Dolcissimo), roman, trad. Jacqueline Bloncourt-Herselin, L’Arpenteur-Gallimard, 1989

Ghigò (Ghigò), récit, trad. René de Ceccatty, Hatier, 1990

La Dormeveille (Il dormiveglia), roman, trad. Jacqueline Bloncourt-Herselin, L’Arpenteur-Gallimard, 1993

Silvinia, ou le Voyage des égarés (Silvinia), roman, trad. Jacqueline Bloncourt-Herselin, Mille et Une Nuits, 1996

Les Commencements (L’incominciamento), prose et poèmes, trad. Philippe Di Meo, La Barque, 2018

 

En langue originale

Il sarto della stradalunga, romanzo, Einaudi, Torino, 1954

La contrada degli ulivi, racconto, Einaudi, Torino, 1956

Il fiume di pietra, romanzo, Einaudi, Torino, 1964

La divina foresta, romanzo, Rizzoli, Milano, 1969

Notti sull’altura, romanzo, Rizzoli, Milano, 1971

L’isola amorosa, romanzo, Rizzoli, Milano, 1973

La Beffària, romanzo, Rizzoli, Milano, 1975

Martedina, racconto, Editori Riuniti, Roma, 1976

Il dire celeste, prosa e poesie, Editori Riuniti, Roma, 1976

Dolcissimo, romanzo, Rizzoli, Milano, 1978

Novelle saracene, racconti, Rizzoli, Milano, 1980

O corpo sospiroso, poesie, Rizzoli, Milano, 1982

L’incominciamento, poesie, Sellerio, Palermo, 1983

Il dormiveglia, romanzo, Mondadori, Milano, 1988

Ghigò, racconto, Mondadori, Milano, 1990

Il re bambino, poesie, Mondadori, Milano, 1990

Il dire celeste, tutte le poesie, Mondadori, Milano, 1993

Il dottor Bilob, racconto, Sellerio, Palermo, 1994

 

Bibliographie critique en français

Maryvonne Briand, « La mémoire et le lyrisme : Giuseppe Bonaviri vu par la critique française », Transalpina, nº 8, 2005

Philippe Renard, article « Giuseppe Bonaviri », Le Nouveau Dictionnaire des auteurs, Laffont-Bompiani, 1994

—, articles sur les Contes sarrasins, Le Fleuve de pierre et Le Poids du temps dans Le Nouveau Dictionnaire des œuvres, Laffont-Bompiani, 1994

 

Bibliographie critique en langue originale (sélection)

Rodolfo Di Biasio, Giuseppe Bonaviri, La Nuova Italia, Firenze, 1978

Giorgio Manganelli, introduzione a La divina foresta, Rizzoli BUR, Milano, 1980

Anna De Stefano, Il male di Astolfo, Sciascia, Caltanissetta, 1983

Franco Zangrilli, Bonaviri e il tempo, Marino, Catania, 1986

Giuliano Manacorda, introduzione a Il dire celeste, Mondadori, Milano, 1993

Note sur Giuseppe Bonaviri, par Giorgio Manganelli

Peu d’écrivains sont fascinés par les mots, par leur existence en tant que souffle mélodieux, de manière aussi absolue que l’homme de Mineo. Sans de telles sonorités, le monde qui est le sien serait impossible, et d’autre part son monde ne peut naître que grâce à de tels sons. Sa poésie verbale constitue, littéralement, un carmen, c’est-à-dire une formule rythmique immuable et agissante. Dans le caractère phonique de cette prose, on perçoit l’étrange et très ancienne vocation de langages usés, c’est-à-dire rendus à leur qualité d’« air prononçable » : sifflements grecs, modulations arabes gutturales et fabuleuses, brèves splendeurs latines…