Pierre Marcelle
Contre la télé
De regarder la télévision, on ne fait pas profession sans se salir les yeux, et pis encore. J’avais pourtant résolument décidé de regarder cette télé-là : la télé grand public d’avant la mi-nuit, celle qui commence quand s’égoutte la vaisselle du dîner, qui soude le foyer et forge la conscience quotidienne, dont les enjeux économiques font un événement, et les programmes, l’ordinaire des conversations salariées à l’heure de l’embauche. On sait bien qu’il se trouve sur certains canaux, câblés ou hertziens, des trésors ; on sait mieux encore, et d’expérience, que ces miracles se diffusent plus souvent à des horaires dissuasifs, dans un hors-temps de la télé que nul annonceur ne trouble, nul impératif d’audience ne contraint. Dans ces moments où le médium a un sens, il n’a pas de téléspectateurs. Ou, pour mieux dire, il n’a pas de troupeau à mener ; à peine des individus épars, rares et curieux zombies, inclassables marginaux ou franchement chômeurs mais qui, dans tous les cas, ne justifient pas un écran publicitaire. Ce repos qu’alors il s’octroie et nous octroie, on peut considérer que c’est un accident – que ça ne compte pas.
Les Inrockuptibles, 13 mai 1998, par Jean-Marie Durand
Le Nouvel Observateur, 7 mai 1998
Livres hebdo, 24 avril 1998, par Pierre-Louis Rozynès
« Quoi qu’il en soit », par Pierre Bouteiller, France-Inter, 13 avril 1998
« Staccato », « La télé peut-elle être autre chose qu’un divertissement », par Antoine Spire, France Culture, 4 mai 1998
« Panorama », France Culture, 22 mai 1998