Vassili Golovanov
Espace et labyrinthes
Récits. Traduit du russe par Hélène Châtelain
Collection : Slovo
256 pages
18,80 €
978-2-86432-662-5
mars 2012
Chacun de ces récits est un voyage vers un lieu obstinément déplacé, décentré : la source introuvable de la Volga, les espaces infinis des steppes de l’Asie centrale où la Russie européenne se perd dans les méandres des civilisations asiatiques. Touva, aux confins de la Mongolie, terre de chamans où se mêlent les croyances et les langues. Tchevengour – ville mythique de l’ingénieur-écrivain Platonov tournée vers la Caspienne – qui, écrit Golovanov, lui a rendu tout renoncement impossible.
Les espaces improbables de Klebnikov, le poète errant.
Ou encore, entre Moscou et Saint-Pétersbourg, conçu par le père de Bakounine, le parc de Priamoukhino que tente de sauver la nouvelle génération anarchiste.
Ces six récits prolongent la double interrogation qui court dans les écrits de Vassili Golovanov : l’exploration des espaces de la langue et de la terre, l’une et l’autre liées par une filiation secrète et complexe, et le souci de la transmission de ce qui fut à ce qui vient.
Dans la vie paysanne, il y avait autrefois une période heureuse : la brève vingtaine de jours de l’été indien. Une fois les innombrables travaux d’été accomplis, et les brûlis des champs éteints, revenait le temps des longues veillées : dans la journée, le travail était facile et agréable, on rangeait les ruches, on débitait les choux ou simplement on partait à la cueillette des noisettes dans la forêt. Quand il ne restait plus ni champignons ni noisettes à ramasser, et qu’au-dessus des lacs, dans les forêts, régnait soudain une beauté apaisée que la nature savourait tel un peintre qui, devant l’ouvrage accompli, peut un moment ranger ses pinceaux, venait alors le temps des fêtes : celle de l’archange Mikhaïl, celle d’Avtoname, et aussi celle de Cornélius après laquelle toutes les racines transies de froid dans la terre ne poussent plus. Mais le 21 septembre, c’était la nativité de Marie et jour de fête dans tous les villages comme à Novostroï. J’y avais un ami, et nous avions maintes fois projeté d’immortaliser l’une de ces réjouissances villageoises qui avaient conservé les gestes et les rites paysans, mais à chaque fois nous remettions ce projet à plus tard, jusqu’au moment où il est devenu évident que si nous traînions davantage, il n’y aurait plus personne ni à interroger ni même à filmer.