Felipe Hernández
La partition
Roman. Traduit de l’espagnol par Dominique Blanc
Collection : Otra memoria
384 pages
17,24 €
978-2-86432-541-3
août 2008
Un jeune compositeur, José Medir, survit en donnant des leçons de piano dans une famille bourgeoise, jusqu’au jour où l’ancien directeur du conservatoire, un curieux personnage devenu le maître incontesté de l’Auditorium de la ville, s’intéresse soudain à lui.
Il lui commande une étrange partition dont il se réserve l’exclusivité. Le jeune musicien à l’oreille exceptionnelle se trouve alors inexorablement happé par un tourbillon dans lequel vont être entraînés son ami d’enfance victime d’un mal qu’il veut garder secret, les deux jeunes filles qu’il aime et tous les êtres qu’il est amené à rencontrer dans sa vie désormais habitée par l’urgence d’une création musicale aussi douloureuse que tyrannique.
Au rythme des péripéties, des fils se nouent entre des destinées apparemment étrangères les unes aux autres, qui tous conduisent au couple formé par le commanditaire de la partition et son âme damnée, le garde forestier, qui organise de mystérieux combats de chiens au profit de son maître tout en veillant jalousement sur lui.
Felipe Hernández excelle à mener l’intrigue d’un roman qui n’est ni simplement réaliste ni délibérément fantastique, et qui est aussi une réflexion sur la création.
La musique, donc, jaillissait de lui sans douleur, vivante et très suggestive, sauf que c’était sans doute sa musique et non la musique dans laquelle Nubla souhaitait vivre. Et durant ses trois premières semaines à Punta Negra, passées dans une totale solitude et sans autre visite que celle de Matías, il conçut quelques-unes des lignes de base de la partition et il termina des passages qui pourraient lui servir comme exemples de son travail quand Nubla exigerait une audition.
Le problème se posa précisément quand il commença à centrer sa pensée sur le personnage de Nubla : les lignes claires et ordonnées qu’il avait ébauchées commencèrent à se torsader. C’est alors qu’il commença à entrevoir la difficulté qu’entraînaient la richesse sensorielle, et même la beauté formelle de la composition qu’il était en train d’écrire. Tout à coup, il vit clairement que cette musique n’était pas Nubla et il fut saisi par la crainte d’un nouveau refus. […]
Les doutes sur son travail prirent une telle ampleur qu’à un moment donné il dut s’arrêter et reconsidérer ce qu’il était en train de faire avec un peu plus de distance. Sans doute aurait-il eu besoin pour cela de l’opinion ou de l’aide de Nubla mais il sentait que la musique était trop volatile pour se laisser enfermer dans une signification unique, et il était possible que Nubla lui-même change d’opinion d’un jour à l’autre concernant une même partition. Il était possible aussi que sa propre intuition lui fasse défaut et qu’il soit incapable de percevoir le mouvement organique de la musique dans laquelle Nubla pourrait se reconnaître…