Maxime Ossipov

Ma province

Deux récits traduits du russe par Anne-Marie Tatsis-Botton

Collection : Slovo

128 pages

16,73 €

978-2-86432-646-5

avril 2011

Maxime Ossipov – médecin cardiologue et écrivain – est issu d’une famille d’intellectuels. Après un voyage d’étude d’un an aux États-Unis, il préfère quitter Moscou pour s’établir à Taroussa, une ville située à cent kilomètres de la capitale.
Le choc avec la réalité quotidienne dans l’exercice de son métier l’amène à écrire le premier récit de cet ouvrage. Il y fait une description sans concession de l’état de la société et des hôpitaux, et surtout de la misère mentale de tous les laissés-pour-compte de la Russie provinciale de l’après-perestroïka. Il rapporte aussi, sous le mode comico-épique, ses démêlés avec les autorités en place qui aboutissent à un scandale national.
Ce regard lucide et parfois cruel ne va pas sans une certaine compassion, voire une tendresse à l’égard des personnages de La Rencontre, le second récit du recueil, œuvre de fiction où les mêmes événements sont vus à travers le prisme de trois vies différentes. Malgré la violence et les difficultés, des rencontres improbables restent encore possibles – entre peuple et intelligentsia, croyants et athées, juifs et orthodoxes, alcooliques paumés et hommes d’action responsables…
Dans ce livre si attachant et sensible, un féroce refus de l’impuissance se manifeste à travers ce qu’Ossipov désigne comme le temps réel, celui du moment opportun qu’il faut savoir saisir, celui de l’intant présent, imparfait et incertain, mais qui seul est à même d’accomplir ce que d’autres appellent des miracles.

 

Ce livre a bénéficié d’une bourse Transcript (dispositif d’aide à la traduction de la littérature russe) accordée par la Fondation Mikhail Prokhorov.

— Rappelez-vous, jeune homme : faire allonger un patient qui a un pneumothorax, ça peut être mortel. Il ordonna : Scalpel, lidocaïne, pince, gants. Ça va, ils ont quand même du matériel avec eux. Il fit une tubulure avec le goutte-à-goutte : Tiens-la. Bon, Ioussouf, une petite piqûre (il entailla la peau), courage, voilà la plèvre. À l’aide-médecin : Donne le goutte-à-goutte, ne touche pas là, c’est stérile. Il prit la tubulure avec la pince, l’introduisit à l’intérieur, mit l’autre bout dans le flacon. Il n’y avait aucun risque d’erreur, mais il fut heureux d’entendre le glouglou et de voir les bulles. Rien pour suturer ? Tant pis, donne-moi un sparadrap.
Ioussouf se sentit rapidement mieux : l’air sortait, le poumon se déployait, les organes de la cage thoracique reprenaient leur place. Sergueï Ilitch téléphona à Édik sous prétexte de demander conseil, mais en réalité pour recevoir des félicitations. Il pensa : un pneumothorax, quelle merde ! Ce n’est quand même pas le premier qu’il draine ! Et ensuite, avec enthousiasme : ça, c’est la vie en temps réel !
Cela faisait longtemps qu’il n’avait pas eu une vraie journée de médecin. Pour la première fois depuis la mort de sa mère, il se coucha sans avoir rien bu et, le lendemain matin tôt, Édik était devant sa porte. Un dernier miracle attendait Sergueï Ilitch, administratif, celui-là.
On peut dire bravo à nos boss, ils n’ont pas viré le vieux ! – Édik embraya joyeusement :
— Alors, Sergueï Ilitch, on y va ?

« Clara et les chics livres », par Clara Dupont Monod, France Inter, samedi 1er juin 2013, de 16h à 17h
« Transversales », par Jacqueline Liesse, RTBF, samedi 17 décembre 2011, de 12h à 13h
« La Grande Librairie », par François Busnel, France 5, jeudi 26 mai 2011, à 20h35