Pierre Michon

Trois auteurs

Balzac, Cingria, Faulkner

Collection : Collection jaune

96 pages

11,00 €

978-2-86432-263-4

mars 1997

« On entre dans un mort comme dans un moulin. » Pour peu que ce mort soit un auteur, et qu’on se mêle soi-même d’écrire, alors c’est un moulin à vent avec lequel on doit découdre, ou passer son chemin. Le critique, qui accepte bravement le combat, est le Don Quichotte du texte, dont le moindre coup d’aile l’envoie au tapis. Je suis moins audacieux : dans l’ombre bienveillante de trois grands moulins, j’ai mis trois machines réduites, en miroir, en offrande. Voici ces petits moulins à vent.

De Lucien de Rubempré, le paradigme du jeune poète, celui à qui sempiternellement on écrit des lettres, à qui on prodigue des conseils : « L’entraînement de la méditation avait donné à Lucien l’habitude de s’accouder aussitôt qu’il était assis, et il allait jusqu’à attirer une table pour s’y appuyer. » Et bien sûr, le menton dans la main, tout cela suave, mais rugueux, juvénile : c’est peut-être à cause de Rubempré que Fantin-Latour a donné à Rimbaud la pose mythologique qu’on sait, ce mixte d’Apollon et d’un petit dieu frondeur des jardins ; à moins que Rimbaud n’ait pris pour coutume cette pose de Rubempré pour l’avoir lue dans Balzac – et Fantin charmé n’eut plus qu’à copier. Sans le répertoire de rôles et d’attitudes littéraires que sont les Illusions perdues, peut-être les auteurs français de la fin du siècle seraient-ils, corps et œuvre, aussi différents de ce qu’ils sont que les poètes chinois le sont des anglais.

La Quinzaine littéraire, 16 avril 1997, par Tiphaine Samoyault

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