François Zumbiehl
Le discours de la corrida
Collection : Faenas
320 pages
15,01 €
978-2-86432-529-1
mars 2008
Depuis plus de trente ans, François Zumbiehl fréquente les toreros, les éleveurs et les aficionados. Trente ans de conversations minutieuses, d’écoute généreuse de plusieurs générations de spécialistes de toutes les écoles, de toutes les régions d’Espagne.
Au long de ces rencontres, il a noté avec soin les inventions et les détours de leurs discours, pour comprendre et dire ce qui ne se raconte pas : la bravoure, le temple, le duende, l’engagement inouï d’un enfant qui voue sa vie au toro sauvage.
« La parole offre à l’étude une matière plus riche et consistante que le déroulement de l’action », dit-il.
À travers l’étude des mots des acteurs et des passionnés, de cette langue originale et inventive, François Zumbiehl s’approche au plus près dans ce livre de la vérité des grands mystères de la tauromachie.
Le discours n’est donc qu’une interprétation – une belle infidèle en quelque sorte – de la réalité taurine, mais celle-ci, sans le discours, est réduite à un mince filet d’actions et d’émotions condamnées à s’effacer dans un temps très bref. Tel est, en somme, le dilemme : à jamais inaccessible, le réel de la corrida se dérobe au discours, mais seul celui-ci assure la transmission de celui-là. Sous-jacent au déroulement en extérieur de la corrida – encore une fois éminemment ponctuel –, un monde taurin, plus intime et plus constant, ou consistant, déploie ses richesses pour qui sait l’écouter. Au-delà ou en deçà du spectacle, se construit une tauromachie idéale, transfigurée par la mémoire collective ou individuelle, par la théorie et par le souci de la norme. Les mots sont là pour parachever des figures fatalement imparfaites dans l’arène, pour faire apparaître des forces et des conjonctions obscures et agissantes que l’œil est incapable de déceler ; pour fixer, en leur donnant leur pleine résonance, des émotions aussi fulgurantes et volatiles que les événements du spectacle. Les paroles dites, entendues ou lues se cristallisent en des formules qui deviennent à leur tour autant de signes, plus élaborés, des souvenirs de figures taurines. Tel, en entendant vanter les mérites d’une naturelle tracée « comme l’exigent les canons du toreo », retrouvera un peu de son plaisir vécu dans l’arène à l’éclosion des meilleures passes de ce style qu’il lui a été donné de contempler. Inversement, son émotion durant le spectacle sera décuplée par la conviction de reconnaître dans une de ces figures l’incarnation fugace de cette Passe éternelle et impeccable, évoquée par les mots et les assertions.