Collection : Collection jaune

128 pages

14,00 €

978-2-86432-727-1

août 2013

Il y a vingt ans jour pour jour qu’ils forment un couple.
Vingt ans que leur lien résiste à ce qui érode, sépare et altère les amants du premier soir.
Pour célébrer l’anniversaire de cette énigme, ils ont choisi le Negresco, haut lieu de leur imaginaire intime.
Là, derrière les volets entre-clos d’une chambre autrement plus cossue que celle de leurs commencements, ils viennent de faire l’amour ; et maintenant, sous un rai de soleil où dansent des poussières, chacun s’abandonne à sa rêverie.
Autant dire à la nostalgie, au réveil d’émois secrets, à la révision de son histoire et aux pensées inavouables – ce noyau d’infidélité contre et par lequel ils ont scellé, vingt ans plus tôt, un pacte amoureux dont il vaut mieux ne savoir rien.

« À quoi penses-tu ? » La fumée de sa cigarette prête aux paroles d’Agnès une éphémère matérialité, les emporte en volutes avant de les dissoudre dans un rai de lumière où dansent des poussières. Allongées côte à côte sur ce lit d’hôtel après le tumulte de l’étreinte, nos nudités offrent au regard le symbole de leur parallélisme : tout nous sépare aujourd’hui du temps où semblables cavalcades se résolvaient en enlacements libres de toute pudeur, chatteries de deux corps prompts à emmêler leurs lignes dès que l’occasion s’en présentait. Aujourd’hui, si nos peaux n’ont rien oublié de leurs grains les plus secrets et si nos gestes savent encore, même après des mois de brouille, où traquer le plaisir de l’autre, l’ombre de vergogne depuis longtemps portée sur cette liturgie semble s’être encore épaissie. On dirait qu’avec les années, notre complicité a fini par s’effacer derrière la découverte d’une radicale ignorance qui double notre familiarité d’un envers affolant. Depuis si longtemps que nous vivons sous le même toit, respirons le même air et fréquentons les mêmes proches, nous croyons connaître l’un de l’autre l’essentiel, ce fonds qui se tapit dans nos goûts alimentaires et nos tics de dormeurs, notre manière d’user nos chaussures ou de crier sous le fouet du plaisir, et jusqu’à la sépulture que nous souhaitons donner à nos dépouilles. Mais pour autant, sous l’effet d’une lucidité trop aiguisée, nous ne cessons de nous redécouvrir comme deux étrangers cheminant de concert, et aujourd’hui plus que jamais, dans cette chambre du Negresco où j’ai invité Agnès à célébrer le vingtième anniversaire de notre rencontre.

 

 

Le Magazine littéraire, novembre 2013, par Jean-Baptiste Harang

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Les Mauvaises Fréquentations, 17 septembre 2013, par Thierry Savatier

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Blog de la Librairie Ptyx (Ixelles, Belgique), 3 septembre 2013, par Emmanuel Requette

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