Le rythme est l’utopie du sens. C’est à partir de l’absence du rythme dans le sens et du sens dans le rythme, dans notre culture du langage, que ce livre essaie de fonder une théorie nouvelle du rythme.
L’enjeu dépasse de beaucoup l’histoire et la théorie des pratiques littéraires, où la poésie reste le lieu le plus vulnérable et le plus révélateur de ce qu’une société fait de l’individu. Dans la mesure où cet enjeu engage tout le langage, il engage tout le sujet, tous les sujets, et c’est pourquoi, à travers les problèmes traversés, comme celui du rapport entre le langage et la musique, celui de la voix et de la diction ou de la typographie, à travers les stratégies analysées, de la métrique à la psychanalyse, de la linguistique à la philosophie, jusque dans ses aspects techniques, la théorie du rythme est, au sens le plus large, politique.
C’est un parcours critique des sciences humaines. Traversant leurs lacunes, ce livre esquisse une nouvelle manière de travailler leurs rapports. Dans un aller retour constant entre l’analyse des textes et la recherche des concepts, il confronte principalement les domaines français, anglais, allemand, russe, espagnol, hébreu, arabe.
Il s’adresse à tous ceux qui s’intéressent au langage. Car il déborde l’érudition pour montrer l’aventure.
Introduction de l’auteur
Critique, théorie : je cherche à rendre ces termes interchangeables, pour situer l’entreprise qui commence ici, concernant le rythme dans le langage, comme à la fois une part de la théorie du langage et la partie qui en est peut-être la plus importante. Entrer immédiatement dans la technique, ou dans son histoire, serait jouer un certain jeu. Pour savoir quel est ce jeu un détour est nécessaire. Il s’agit de l’historicité des discours. Où il s’impose que tout propos qui porte sur quoi que ce soit du langage, exposé scientifique, énoncé didactique ou essai, tout est toujours stratégie, et pris dans un combat. Il s’agit d’indiquer lequel, et quelle stratégie, quel enjeu sont livrés à l’occasion du rythme. Situer les résistances. Ce qu’on a à gagner. Une poétique et une politique de l’individuation est en jeu.