Yoko Tawada

Journal des jours tremblants

Après Fukushima. Précédé de « Trois leçons de poétique »

Traduit de l'allemand par Bernard Banoun et du japonais par Cécile Sakai

Collection : Der Doppelgänger

128 pages

13,20 €

978-2-86432-667-0

février 2012

Invitée à donner trois leçons de poétique à l’université de Hambourg, Yoko Tawada prononce sa première conférence le 4 mai 2011, moins de deux mois après la catastrophe qui marque d’ores et déjà un tournant décisif de l’histoire du Japon moderne. Son propos s’en trouve, dès lors, transformé. Le nom de Fukushima s’inscrit désormais à côté de celui de Hiroshima comme un emblème de la relation problématique que le Japon entretient avec sa propre insularité et avec l’altérité occidentale.
Ces conférences sont l’occasion de s’interroger sur l’image du Japon en Occident depuis trois siècles. Après avoir tenté de concilier le strict isolement qui préservait sa culture avec l’établissement de relations commerciales très circonscrites, le Japon a fini par accueillir sans retenue la modernité occidentale. Évitant le piège qui consisterait à juger une culture par l’autre, Yoko Tawada préfère éclairer les transferts et les glissements de sens opérés par l’Histoire, afin de mieux comprendre le présent.
Les thèmes de ces leçons entrent de ce fait en résonance avec les textes que la romancière a publiés dans la presse germanophone en réaction à la récente catastrophe nucléaire. Augmentés d’un texte plus récent écrit en japonais, ils illustrent la vigilance critique de l’auteur et constituent une première réponse à l’injonction d’« écrire après Fukushima ».

Hiroshima, comme Fukushima, se termine par shima, et le mot shima veut dire île. Au Japon, ni l’une ni l’autre de ces villes n’est considérée comme une île, puisqu’elles se trouvent sur l’île principale. Et cette île principale n’est elle-même qu’une petite île sur la carte du monde.
Je suis toujours sidérée lorsque j’entends dire que Tokyo est au bord de la mer. Oui, tant que l’on se promène sur une carte du monde. Mais le Pacifique est absent à Tokyo. On marche dans cette métropole si dense sans penser à la mer.
À Hambourg en revanche, ville portuaire où je vécus de 1982 à 2006, je percevais constamment la mer du Nord. Je sentais son odeur dans le vent, je l’entendais dans la voix des mouettes. Et la proximité de l’océan était surtout sensible quand je voyais les larges flancs des navires qui remontaient l’Elbe lentement.

Voici cent cinquante ans exactement, le Japon concluait un accord commercial avec la Prusse. Voici deux ans, le port de Yokohama célébrait son cent cinquantième anniversaire. Voici cinq ans, je quittais la pièce où j’écrivais, depuis laquelle j’apercevais l’Elbe et une partie du port de Hambourg. Ma tête était donc pleine d’images portuaires. Depuis le 11  mars, je vois image sur image de ports détruits. Je vois des îles dans ma tête et ces îles ne sont pas des refuges. Hiroshima et Fukushima : par quoi sont-elles liées ?

Le Festival du livre et de la presse d’écologie, mai 2015, par Jane Hervé

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Page des libraires, mars 2012, par Christine Lechapt, Librairie Charlemagne (Toulon)

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