Alain Montcouquiol
Le sens de la marche
Collection : Faenas
128 pages
9,94 €
978-2-86432-543-7
août 2008
En 1997 paraissait dans la collection « Faenas » un livre bouleversant, Recouvre-le de lumière, dans lequel Alain Montcouquiol racontait la vie et la mort de son jeune frère, le torero français Nimeño II.
Ce chant au frère, et à cette étrange passion des toros, connut un sort exceptionnel : plus de quinze mille exemplaires vendus, et une adaptation théâtrale que le comédien Philippe Caubère joua dans les arènes et sur les scènes de toute la France.
Dans ce second livre, Le Sens de la marche, Alain Montcouquiol revient sur l’aventure de sa vie, et sur ce monde si étrange de la tauromachie, cruel et magnifique, un des rares qui permette à un gosse des faubourgs de s’inventer une vie aux dimensions de la liberté rêvée.
Aujourd’hui, je le sais, c’est bien la mort de mon père qui m’a entraîné dans les arènes. Sur les gradins d’abord, puis sur la piste. C’est la mort de mon père qui m’a irrésistiblement attiré vers ce lieu où l’on parlait à haute voix de ce qui m’obsédait, me tourmentait et dont personne n’avait vraiment voulu s’entretenir avec moi : la mort.
De la disparition de mon père et des événements qui suivirent, je n’avais finalement retenu qu’une chose, celle sur laquelle on avait insisté : « Je devais être courageux. » J’avais compris « silencieux » et je n’avais formulé aucune des questions qui me troublaient. La mort. J’avais tenté de fouiller dans ma jeune mémoire pour rassembler le peu que je savais d’elle, les quelques morts dont j’avais été le témoin… Le canard au cou tranché, le lapin assommé puis énucléé et son sang qui gouttait dans le bol, le cochon égorgé, l’agonie bourdonnante des mouches sur la spirale de papier collant pendu à la lampe de la cuisine…
Les souvenirs de toutes ces peurs, de toutes ces morts n’avaient rien éclairé pour moi, ils n’avaient fait que compliquer les choses, ils m’avaient brouillé l’esprit, puis entraîné dans un monde de doutes, de sombres sentiments dont je croyais fermement qu’il n’était pas convenable de parler. Jusqu’à ma découverte de la tauromachie, cet abattement ne m’avait pas quitté… Et puis, avec mes premières lectures, les premières corridas auxquelles j’avais assisté, j’avais éprouvé une très grande émotion en découvrant que là, dans ce monde-là, on parlait de la mort, celle du toro, celle du torero… On parlait du courage, de la peur, du destin. C’était incroyable ! Et, inespéré. J’avais enfin trouvé un lieu où les gens ne se taisaient pas, où les mots prenaient du sens, confiant je les avais suivis.
Prix Jean-Carrière, 2009