Pierre Bergounioux
Carnet de notes, 1980-1990
Collection : Collection jaune
960 pages
35,50 €
Epub : 21,99 €
978-2-86432-466-9
mars 2006
Nulle désillusion ne se compare à celle que la génération d’après-guerre a connue. Au printemps des années soixante a succédé l’hiver, qui dure encore, des années quatre-vingt. Les grandes espérances ont pâli, la vie perdu la saveur qu’on lui trouvait.
Le changement d’horizon, la fin d’une époque, c’est à l’échelle des heures, dans le détail de l’expérience personnelle qu’on en prend la mesure.
Ces notes, prises au jour le jour, depuis vingt-cinq ans, accusent avec les progrès de l’âge, l’érosion du bonheur qui avait été donné, pour commencer.
Les congés de Toussaint s’achèvent. Ils me laissent des remords. J’aurais pu avancer plus. Mais j’ai soudé. Nous avons eu de la visite. C’est maintenant que je comprends l’œuvre et la vie de Proust. L’essentiel m’échappait, il y a quinze ans, lorsque je le lisais parce que j’en avais dix-sept ou dix-huit et qu’à cet âge, on n’a pas duré assez. Maintenant, je sais ce que sont les miracles de l’enfance, le temps perdu, les jours tardifs, hâtés, harassants dans lesquels on entre, la maladie, l’éventualité chronique de la mort avec lesquelles on lutte de vitesse, la tentation de lâcher la plume, de quitter le papier tant on est inégal à la tâche, dépassé par l’objet.
Je passe la matinée à préparer les cours, à dépêcher un fade reliquat de copies. Une anxiété m’a pris à l’idée de recommencer. Je m’exagère les difficultés, les fatigues du métier dès que j’en suis éloigné. Jean fait une bronchite et reste à la maison.
Au collège, dans mon casier, deux Carabes, dont Chrysotribax hipanicus, présents de la principale qui les a trouvés dans son jardin, en Lozère. J’expédie mes deux heures, fonce jusqu’à la maison pour y prendre Jean, de là à l’arrêt du bus pour attraper Paul et tous les trois chez le docteur. Il est plus de six heures lorsque nous rentrons. Je fais faire son piano à Jean, dessine des « voitures de police » pour Paul. Je suis si fatigué, après ça, que je ne trouve pas le courage de reprendre la plume.
La vigne vierge a viré au rouge, d’un coup, et les étourneaux viennent manger ses grains.
Indications, mai 2006, par Eddy Vannerom
Le Mensuel littéraire et poétique, juin 2006, par Christophe Van Rossom
L’Humanité, 18 mai 2006, par Jean-Claude Lebrun
La Quinzaine littéraire, 15 avril 2006, par Tiphaine Samoyault
Le Magazine littéraire, avril 2006, par Pierre Lepape
Lire, avril 2006, par Baptiste Liger
La Montagne, 26 mars 2006, par Daniel Martin
La Liberté, 18 mars 2006, par Alain Favarger
Libération, 16 mars 2006, par Jean-Baptiste Harang
Livres hebdo, 10 mars 2006, par Alexandre Fillon
Le Monde, 3 mars 2006, par Patrick Kéchichian
« Surpris par la nuit », entretien avec Alain Veinstein, France Culture, lundi 17 avril 2006 à 22h30
« Le Bateau livre », France 5, dimanche 2 avril à 10h, entretien avec Frédéric Ferney
« Tout arrive ! », par Arnaud Laporte, France Culture, vendredi 17 mars 2006 à 12h30
« Les Mardis littéraires », par Pascale Casanova, France Culture, mardi 7 mars 2006 à 10h